Le géographe Pierre George (1909-2006) a fait don de sa bibliothèque personnelle à l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse en 2001. Ce don constitue un fonds tout à fait représentatif de l’itinéraire d’un intellectuel du XXe siècle que d’aucuns considèrent comme le spécialiste de géographie humaine et économique le plus connu en France et dans le monde depuis les années 1940 jusqu’aux années 1980 : à partir d’une géographie fondée sur les principes de Vidal de la Blache, Pierre George a su élargir l’horizon de la géographie en prenant en considération le rôle des rapports sociaux et leur évolution dans la construction des espaces et en traitant, depuis la fin des années 1930, l’ensemble des questions de géographie humaine : population, économie industrielle et agricole, villes et campagnes, aménagement du territoire et environnement. Mais, par ailleurs, c’est également un itinéraire politique qui vient donner sa cohérence au fonds, entre engagement et prise de distance vis-à-vis du communisme.

Par ses premières études de géographie physique, sur le Tricastin, sa thèse sur la Région du Bas-Rhône, ses études de sciences naturelles, Pierre George a commencé par contribuer à poursuivre le Tableau géographique de la France de Vidal de la Blache. Mais les événements mondiaux ont concouru à l’inscription de la géographie d’après-guerre au sein des sciences humaines et sociales, non plus considérée « hors du temps », mais comme « une conscience et une prise de conscience des transformations contemporaines ». Suite à la Seconde Guerre mondiale, il convenait de privilégier l’étude des mutations rapides au lieu d’autres menées sur le long terme : l’étude approfondie de l’Union soviétique – son Economie de l’URSS (1945) constitue le premier ouvrage important en français sur ce pays – et de l’instauration de l’économie socialiste dans les pays d’Europe centrale, d’une part, l’étude de la reconstruction et de la modernisation, d’autre part, et, notamment, de la géographie de l’énergie et de l’urbanisation accélérée. Pierre George n’a pas non plus négligé de considérer ce qu’Alfred Sauvy appelle, à la même époque, le « tiers monde », s’intéressant à la situation du Maghreb et de l’Amérique latine, avant de se tourner à nouveau vers les questions de croissance urbaine et notamment celle des grands travaux. Il a enfin mené une réflexion de fond sur les rapports entre les lieux et les hommes et une analyse de la manière dont les premiers se trouvent profondément modifiés par les activités des seconds.

L’enseignement de Pierre George a marqué des générations de géographes et ses cours furent largement diffusés dans l’opinion par une série de petits « Que sais-je ? » : Géographie sociale du monde, Géographie industrielle du monde, etc. Le fonds comprend plus de 3 000 monographies et environ 2 000 périodiques, couvrant l’ensemble des domaines de la géographie.